J’ai été minutieusement démonté, graissé et solidement empaqueté le 30 décembre 2011 à la marina de Las Palmas aux Canaries. J’ai connu une navigation paisible sur le voilier Polymagou autour des îles Canaries d’abord, de Gran Canaria au Hierro en passant par Tenerife et La Gomera, puis six jours de traversée jusqu’au village de Palmeira (île de Sal) au Cap Vert. Toutefois, depuis le fond de la cale du navire, je pouvais sentir les ondes néfastes qui intoxiquaient l’air ambiant.
A la recherche d’un environnement plus authentique, je me suis retrouvé sur le voilier Corner Muse durant un mois et demi sur les flôts capverdiens, des paysages désolés de l’île de Sal à la ville portuaire colorée et musicale de Mindelo, terre mère de Cesária Évora, devenue la »Diva aux pieds nus ». Le célèbre carnaval de Mindelo, dénommé »le petit Brésil » (à défaut d’être sur place, j’aurai au moins eu le droit à une version réduite !), a fait joyeusement exploser ses rues de festivités tout comme le grogue (rhum local) qui coule à flot tend à faire »exploser » la tête des carnavaliers.
Le Cap Vert ? Ne vous métrompez pas, car comme a écrit Christophe Colomb : « On a donné aux îles du Cap Vert un faux nom, car elles sont si sèches que je n’y ai absolument rien vu de vert, aussi je préfère ne pas m’en souvenir » !* Sans doute n’a-t-il pas non plus eu l’opportunité de gravir l’île escarpée de Santo Antão (ma cavalière ayant préféré user ses semelles et la compagnie de Tarzanito – le célèbre chien de garde de Corner Muse – à la mienne), mais à ce qu’il paraît, le Cap Vert vaut le détour ne serait-ce que pour ce petit coin de paradis vert et paisible pour randonneurs.
Je me suis donc retrouvé tantôt au pied du mât de Corner Muse à me faire fouetter par le souffle incessant de l’Harmattan, ce vent issu du Sahara porteur de sécheresse et de poussière. Tantôt dans la couchette de mon nouveau compagnon à quattre pattes, à me faire bercer par les rythmes musicaux envoûtants emprunts de saudade, sorte de nostalgie mélancolique propre aux peuples migrateurs en quête de survie. Pays déconcertant, qui possède plus d’habitants à l’extérieur de ses frontières qu’à l’intérieur. Iles perdues au milieu de l’océan Atlantique, au croisement entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique latine, où « on fête le carnaval comme au Brésil, on s’habille à l’européenne mais on porte les enfants dans le dos comme en Afrique » (Cap Vert, Guide Olizane). Riche de ces multiples influences, l’identité capverdienne est illustrée par le créole, langue née de la nécessité de communication entre les colons portugais et les esclaves africains, dont le métissage a été appuyé par le fait que les terres étaient inhabitées lors de leur découverte en 1460.
Bref, le Cap Vert m’aura interloqué de bout en bout, par toutes ses merveilles… et ses quelques travers.
Signé : CAMINANTE, la cébèbre monture à deux roues de Momo la Cigale
04/04/2012, Rémire-Montjoly (env. Cayenne), Guyane française
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* Le nom »Cap Vert » proviendrait du Cap Vert au Sénégal, terre africaine la plus proche.
Ça fait drôle de lire (et voir) tes impressions du Cap Vert en différé, alors que moi je le vis en direct… C’est surréaliste quelque part !