Le Brésil, ce géant d’Amérique du sud : Périple au nord-est de l’Amazonie, d’Oyapock à Bélem (avril 2012)

« Lorsque le dernier arbre aura été abattu, la dernière rivière polluée, le dernier poisson pêché, alors les hommes s’apercevront que l’argent n’était pas comestible. », chef indien Cree
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Le Brésil… un géant !

8 500 000 km², soit 286 fois mon plat pays, soit pas loin de l’équivalent à lui seul de la totalité du continent européen (10 000 000 km²). Près de 200 millions d’habitants, avec une population essentiellement urbaine (86%). À cette échelle, vous pouvez vous imaginer la diversité rencontrée d’un bout à l’autre du pays. La culture brésilienne constitue un joyeux alliage entre traditions amérindiennes, africaines, portugaise et plus largement européenne. Le Brésil, aujourd’hui puissance économique et politique incontestable sur la scène mondiale, n’en reste pas moins un pays où la plus grande misère côtoie la plus grande opulence. « Un pays riche est un pays sans pauvreté » clame pourtant le nouveau slogan du gouvernement de Dilma ROUSSEFF. Y’en a du boulot, Dilma !

La forêt amazonienne, d’Oyapock à Bélem

Je débarque donc dans cet univers démesuré, non sans une pointe d’appréhension quant à l’idée de traverser la forêt amazonienne en solitaire à bicyclette ! Sur les conseils alarmants des habitants d’Oyapock, j’opte pour la prudence et je mets Caminante dans un bus pour les quelques 200 kilomètres de route non asphaltée, désertique et ayant été le théâtre d’une série d’assauts de bus la nuit (mes interlocuteurs ont bien réussi à me faire flipper!), qui nous sépare de Calcoene.

Cette dernière est la capitale de l’açaï, fruit du palmier pinot à partir duquel est confectionné une boisson mythique dotée de puissantes propriétés antioxydantes et énergétiques (et, à en croire les brésiliens, milles autres vertus), issues des traditions culinaires et médicinales des amérindiens d’Amazonie mais qui est aujourd’hui répandue dans tout le pays. Son succès s’est également propagé hors des frontières et la demande à l’export est telle que son prix a été multiplié par 5 depuis sa mise sur le marché il y a 30 ans, le rendant désormais difficilement accessible pour les populations amérindiennes.

Baies d’açaï

J’entame donc la traversée de l’Etat d’Amapa, depuis Calcoene jusqu’à Macapa, en affrontant avec bravoure quatre jours durant les pluies tropicales torrentielles et les soucis mécaniques (un rayon pèté, les attaches des sacoches qui ont lâché, une selle déboitée dû à la détente du cuir sous l’effet de l’humidité, des dérailleurs avant et arrière capricieux…). Moi qui m’attendait à une petite route frayant son passage à travers la végétation envahissante d’une forêt amazonienne fantasmagorique, j’ai été quelque peu… surprise. La route est large, asphaltée, rectiligne, traversant des plaines rases, témoins des effets dévastateurs de la déforestation. Peu fréquentée, la route passe non loin de nombreux villages amérindiens, dont les habitants m’accueilleront tantôt avec méfiance tantôt avec curiosité.

La déforestation en image

Famille amérindienne

Lors d’une halte dans une petite auberge familiale située le long de la route en plein milieu de nul part, j’avale le traditionnel plat populaire brésilien, le prato feito, composé de feijão (haricots bruns, probablement l’aliment le plus consommé au Brésil !), riz, pâtes et poulet, dans une ambiance sonore détonante marquée par le brouhabra de la télévision et du MP3 tous deux poussés au volume maximum. La famille m’accueille sans manifester le moindre étonnement. Je suis la quatrième cyclovoyageuse qui s’arrête là, me hurle le fils au milieu du boucan, mais la première fille tout de même !

A Macapa, je suis hébergée en couchsurfing chez Edu et Marden qui travaillent tous deux pour le Ministère de la santé, au sein de la section « amérindiens ». C’est l’occasion d’aborder la thématique des populations amérindiennes, dont l’influence culturelle est considérable dans le nord du Brésil – et malgré le racisme dont ils font l’objet, la culture amérindienne est toutefois source de fierté dans l’ensemble du pays. Environ 350 000 indiens vivraient sur leur territoire ancestraux, au sein d’espaces délimités et protégés, représentant 12% du territoire brésilien. Mes deux hôtes me relatent leur effroi quant à la présence prépondérante des Églises (missions d’évangélisation) et de l’armée dans les lieux où vivent ces communautés : deux institutions écrasantes et néfastes concentrées sur un même lieu ! Ils me citent l’exemple d’une communauté amérindienne où l’Église vend des conserves de nourriture (!) et en fait, de surcroît, une activité lucrative.

Des compères !

J’accroche mon hamac où je peux !

Zoom sur quelques problématiques du coin…

La déforestation, vue de près !

Lors de ma traversée de l’État d’Amapa, j’ai pu constater avec désarroi la réalité dévastatrice de la déforestation : des surfaces immenses qui abritaient jadis une forêt amazonienne riche en biodiversité et qui sont aujourd’hui entièrement déboisées. Des milliers d’hectares de forêt disparaissent chaque jour pour laisser place à de l’élevage intensif ou de la culture à grande échelle, principalement celle du soja ou celles destinées aux biocarburants. Et ce, avec toutes les conséquences que l’on connaît en termes de dérèglement climatique, d’éradication de la biodiversité et de destruction des habitats des populations autochtones.

La réforme du Code forestier

Or, l’actualité brésilienne ne prête guère à l’optimisme quant à la lutte contre la déforestation. Le parlement brésilien vient en effet de voter une réforme du Code forestier brésilien. Le nouveau texte polémique, fruit de la pression des puissants lobbys agricoles, assure notamment l’amnistie pour les auteurs de déboisements illégaux avant 2008 et un assouplissement du cadre de préservation de la forêt tropicale. La présidente Dilma Rousseff a posé un véto partiel, supprimant certains articles et en modifiant d’autres, tout en maintenant de nombreux points. A présent, le nouveau texte amendé doit passer par le Congrès pour être validé.

Vous trouverez la campagne brésilienne à ce sujet à l’adresse suivante (malheureusement juste en portugais) : http://www.florestafazadiferenca.com.br

Le projet de barrages de Belo Monte

Non loin de là se déroule une autre tragédie environnementale et sociale avec le projet de construction du gigantesque complexe de barrages de Belo Monte sur le rio Xingu, dans l’Etat de Pará. Objet de nombreuses protestations et mobilisations des écologistes et des amérindiens, le projet a toutefois obtenu l’autorisation un an auparavant et sa construction a débuté en janvier 2012. Si le projet venait à aboutir, ce serait 160 000 hectares de forêt vierge qui seraient innondés, ayant des répercussions considérables en termes de biodiversité et amenant le déplacement massif de 40 000  personnes issues des communautés amérindiennes de la zone (source : Avaaz).

Pour plus d’infos et pour signer les pétitions à ce sujet :
– Le documentaire « Belo Monte, l’annonce d’une guerre », disponible en anglais à l’adresse suivante : http://www.belomonteofilme.org/portal/en
– La campagne d’Avaaz : http://www.avaaz.org/fr/amazon_under_threat_1
– L’appel d’urgence lancé par Raoni, un des chefs du peuple des Kayapos : http://www.raoni.com

En « bateau-mouche » de Macapa à Belem ou l’expérience des interactions sociales brésiliennes

Mais revenons-en à notre périple. De Macapa à Bélem, le trajet de plus de 36 heures en « bateau-mouche-hamacs » sur les affluents du fleuve amazone, aura été l’occasion de vivre une expérience sociale folklorique. J’ai fait sensation en grimpant dans le bateau avec mon vélo et pas moyen de dégoter quelques instants de tranquillité : j’aurai été l’objet d’attention de tout le bateau, histoire de faire passer le temps de la traversée ! Pas moyen de m’isoler dans mon hamac : ceux-ci sont entassés les uns contre les autres, voire parfois au-dessus des autres, dans un espace restreint. Dans nos sociétés où l’on redoute le contact physique proche, il est difficile de ne pas se sentir envahi dans nos interactions sociales au Brésil. Et l’on a beau se dire qu’il faut être ouvert aux différences d’us et de coutumes et que des relations sociales dépourvues de montagnes de barrières physiques ne peuvent être que plus authentiques, face à ces invasions quotidiennes, le réflexe est de reculer d’un pas pour retrouver un peu de distance salvatrice, en se retenant parfois de ne pas carrément prendre ses jambes à son coup !

Je me suis enfuie de Bélem, agressée par la ville, la foule, la pollution, le bruit. Trop de temps passée hors des milieux urbains tend à exacerber mon allergie à ces derniers. J’aurai juste eu le temps d’arpenter le célèbre marché Ver o Peso en compagnie d’une étudiante en cuisine et passionnée de gastronomie, ce qui m’aura permis de découvrir une diversité impressionnante de fruits et légumes exotiques et de goûter à une découverte culinaire surprenante : le tacaca, soupe de tucupi (jus de manioc cuisiné avec des herbes), de goma (amidon de manioc), de piment, de feuilles de jambo qui titillent la langue, et de crevettes !

Le tacaca

Le marché Ver e Peso : de nombreuses échoppes proposent des breuvages visant à soigner toutes sortes de maux, allant du manque d’amour au manque d’argent, en passant par la malchance, la jalousie ou le stress ! Ici, en compagnie d’une des plus célèbres « sorcières » du marché !

Soignée de tous mes affreux maux (pas la peine d’insister, je ne vous dévoilerai pas les potions avec lesquelles je suis repartie!), je m’en vais donc poursuivre mon périple de plus belle…

4 réflexions au sujet de « Le Brésil, ce géant d’Amérique du sud : Périple au nord-est de l’Amazonie, d’Oyapock à Bélem (avril 2012) »

  1. Bravo Maud, tu as le droit après ce périple de prendre ce rang!
    Tes récits m’emportent loin d’ici où la vie est grise comparée à celle que tu nous relates;
    en tout cas tu provoques toute mon admiration , j’imagine la fierté de tes parents et les sentiments qui les traversent quand ils parlent de toi;
    Profite encore de ton aventure et prend soin de toi
    je t’embrasse
    Françoise

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