Ode au Compagnon de voyage

compagnons de voyage« Le bonheur n’est réel que lorsqu’il est partagé. »,
Chris McCandless (film
Into the Wild)

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Le compagnon de voyage n’est pas un compagnon comme un autre.

Il surgit dans votre vie d’un jour à l’autre, ne vous quitte plus d’une semelle, plonge immédiatement dans votre intimité et partage sur une période réduite vos pires galères comme vos plus grands moments d’extase… et disparaît aussi brusquement qu’il est apparu.

Le compagnon de voyage n’est pas un compagnon comme un autre parce que la relation se forge dans des circonstances qui ne sont pas celles d’une vie quotidienne « classique ». Immédiatement, il s’agit d’avancer côte à côte en faisant face aux péripéties de la route et des rencontres, à l’organisation temporelle et logistique d’une journée, à la fatigue, l’inconfort, l’insécurité matérielle, physique et psychique. On saute alors rapidement le rituel classique de la prudence : pas le temps de renifler à notre aise nos trous de balle respectifs, à l’instar des rituels de connaissance de nos amis canidés. On est rapidement catapultés dans la connaissance de l’autre par-delà nos masques sociaux, mis à nus dans le dévoilement de nos forces et de nos fragilités. Et à la fois, on se connaît si peu, parce qu’on ne connaît pas nos vies avant le voyage. C’est toujours la même interrogation : « Au fait, qu’est-ce que tu faisais avant ? ». On interroge ainsi tout bas : « T’es qui ? Un hippie bohème ? Un trader qui a pété les plombs ? Un taulard évadé en cavale ? ».

En voyage, on chemine nus comme des vers. Nus, parce que loin de chez soi, dépourvu de « chez soi », on est si vulnérable quand notre survie dépend en partie des autres et de la bienveillance de notre Terre-Mère. Dans cet environnement incertain et mouvant, on est naturellement en quête de repères, et le seul repère fixe dont on dispose alors, c’est le compagnon de voyage. L’Autre devient bien vite et malgré soi nécessaire, il remplit une multiplicité de fonctions : source d’affection, pilier de sécurité, réceptacle de nos réflexions, bouc-émissaire de nos peines, béquille quand l’on se met à boiter, Être à protéger quand l’autre se met à boiter. Avec le même degré d’intensité que l’on vit le voyage, on vit nos relations à l’Autre.

Les compagnons de voyage, ce sont des compagnons précieux. Ils auront marqué de leurs empreintes mon chemin du bonheur. Peu importe les noms, ils se reconnaîtront. C’est ici l’occasion de soulever mon couvre-chef (ou plutôt mon casque) à chacun d’entre vous en guise de reconnaissance pour ces bouts de route arpentés à vos côtés.

Ces trois derniers mois, j’ai constamment partagé ma route en compagnie d’autres cyclovoyageurs. Je ressens à présent le besoin de poursuivre un bout de chemin en solitaire – non sans un déchirement au cœur à voir s’éloigner les Masocyclistes. Parce que si l’on gagne tant à partager un bout de route, on perd aussi inévitablement les bienfaits du voyage en solo. Liberté, réceptivité, ouverture aux autres, tranquillité (cf. les inévitables négociations, adaptations et requis de tolérance !), écoute de soi-même, enrichissement individuel dans l’accomplissement d’un challenge en solo. Quand on est seul, on vit le voyage différemment. Pas nécessairement avec une intensité accrue, mais tout simplement différente. Mais décidément personne avec qui partager tout cela. Le bonheur n’est-il réel que lorsqu’il est partagé ? Affaire à suivre.

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compagnons de voyage

Compagnons avec qui j’ai partagé un bout de chemin – pas spécialement en deux roues – depuis mon départ en voyage

13 réflexions au sujet de « Ode au Compagnon de voyage »

  1. Hello,

    Comme je te comprends ! C’est tellement bon d’être accompagné mais aussi tellement bon de continuer seul…Régale toi Momo et régale nous !
    Bonne continuation

  2. Merci pour ce beau texte et tous ces visages. Je pense, moi aussi, que le bonheur doit être partagé, mais je comprends tout à fait que tu aies besoin de solitude: tu nous en partageras le bonheur après. Au fait, où es-tu, actuellement, sur notre planète?

  3. où es tu? j’ai apprécié ton joli texte en hommage à tes compagnons de route, merci pour ces moments d’évasion que tu nous offres.
    Bonne route alors !
    Bises
    Françoise et Antoine

  4. Une belle ode en effet ! Tu nous dit bien le compagnon de voyage mais aussi la solitude. Et du coup il fallait les deux pour grandir…. tout cela ont fait de bons moments partagés. Eh ! pour la suite : bonne route !
    Jean-Claude

  5. Muy bonito collage y gracias a vos por, en mi caso, permitirme compartir parte de tu viaje con el mio…!!!
    Ya estás mas cerca de ¿El final de tu viaje?. Donde quiera que estés, te mando un cariño enorme..!!

  6. Que du bonheur à lire, Maud. Je suis très curieuse de tes réflexions et touchée par ces belles émotions !
    Qu’ils soient compagnons de route ou de vie… Quel bonheur d’aimer, de partager et préserver l’autonomie nécessaire à l’enrichissement de sa relation à l’Autre.
    Envie de te serrer très fort dans mes bras, je t’embrasse.
    Michèle

  7. Oh que d’aventures lors du voyage, c’est vraiment un beau texte, bel hommage a ces rencontres si particulieres… en tout cas te rencontrer a Valpo fut un super souvenir! te souhaite une bonne route et je t envoie un gros bisou depuis San Martin de los Andes, Argentina 🙂 c’est trop joli ici!! Enora

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